La prison de l'horreur

Le tout récent documentaire d’Errol Morris, Standard Operating Procedures, présente avec précision les conditions de vie des prisonniers irakiens de la prison d’Abou Ghraib en mettant en scène de nombreux témoignages de militaires et des dramatisations.

S.O.P commence avec une lettre de Sabrina Harman, spécialiste de la Police militaire à Abou Ghraib, destinée à sa femme qui est aux États-Unis. Elle y décrit explicitement ce qu’elle voit à la prison et tout au long du film, on retrouvera des extraits de cette lettre et beaucoup de ses photos, qui sont d’ailleurs responsables du scandale de la prison. Des témoignages de nombreux militaires de l’armée Américaine sont également distribués ça-et-là dans le documentaire, accompagnés de dramatisations, qui démontrent bien la terreur que vivaient les détenus à l’époque. Il faut comprendre que pendant l’occupation américaine en Irak, l’armée avait pour mission de faire taire toutes les voix pro-Hussein. Beaucoup ont donc été emprisonnés et torturés sans motif valable.

La filmographie de Morris est très impressionnante, tout comme les nombreuses nominations et récompenses qu’il a reçues pour ses créations. Fervent de politique, ses métrages traitent souvent de prisonniers, de mort, de guerre, d’injustices… S.O.P ne fait pas exception. Le réalisateur se penche surtout sur les photos, voulant nous faire comprendre qu’ «une photo est une photo. Vous ne voyez que ce qui est dans le cadre. […] SOP n’est que la pointe de l’iceberg. »

J’ai trouvé le documentaire très captivant. Les nombreux interviews et dramatisations aident à situer le spectateur dans cette œuvre violente et choquante. Le fait qu’on écoute des soldats dire avec sang froid qu’ils suivaient des ordres ajoute aussi un aspect intéressant. SOP est le genre de documentaire qu’on écoute les yeux et la bouche grands ouverts. Il suscite un questionnement, une critique sociale. Malgré cela, je crois qu’avoir l’avis de personnes qui ne sont pas militaires, comme des avocats ou des médecins, aurait pu être très intéressant. Aussi, les changements de plans durant l’interview m’ont quelque peu dérangée, tout comme la voix française superposée à la narration originale.

Standard Operating Procedures reste néanmoins un excellent documentaire, très apprécié du public (il a remporté le Silver Bear et le Grand Prix du Jury au Berlinales 2008, festival en Allemagne dont il était l’ouverture) et sûrement pas le dernier du genre de monsieur Morris.